Depuis ses débuts, en 1985, le Clae se prononce en faveur du droit de vote des étrangers. Il tient, dans le cadre de l’organisation du référendum du 7 juin 2015 portant sur certaines modifications constitutionnelles, à avancer les considérations suivantes qui lui semblent les plus importantes concernant la question du droit de vote des résidents de nationalité étrangère.

– – – – – – –

Nous constatons que les avancées démocratiques, à travers notamment le suffrage universel de 1919, la reconnaissance de la société civile, l’introduction des droits sociaux et le droit de vote accordé aux citoyens de nationalité étrangère aux élections sociales, communales et européennes, s’inscrivent dans un processus dynamique d’élargissement de la citoyenneté.

Si cette dynamique mérite d’être poursuivie à travers le droit de vote des résidents de nationalité étrangère aux élections législatives, nous ne souhaitons pas, en tant que plateforme associative héritière de l’immigration, défendre quelconques intérêts. Nous préférons plutôt mettre en avant les critères d’une citoyenneté permettant de faire le lien entre l’ensemble des citoyens du pays, une citoyenneté qui permette de se projeter ensemble pour penser et construire un projet de société commun. Car si la question abordée par le référendum nous semble importante pour affirmer la légitimité du système représentatif et assurer une meilleure représentation de l’ensemble de la population, il nous parait également significatif, à travers l’articulation d’une citoyenneté de résidence, de réaffirmer à la fois de manière réelle et symbolique le principe d’égalité qui fait qu’une société puisse se penser et envisager le futur.

La loi de 2008 sur l’acquisition de la nationalité, qui permet aux résidents d’acquérir la nationalité luxembourgeoise tout en conservant leur(s) nationalité(s) d’origine, a permis des avancées considérables, mais demeure certainement insuffisante pour répondre aux défis ainsi posés.

Rappelons de ce point de vue que le suffrage universel de 1919, qui a incarné le fragile équilibre des démocraties modernes entre le principe de souveraineté (exclusivité/autorité) et le principe de démocratie (égalité/liberté) a aussi provoqué une rupture profonde qui empêche encore aujourd’hui de pleinement penser notre commune humanité et citoyenneté. C’est au nom de l’extension d’une réelle légitimité et reconnaissance publique, à la fois politique, mais aussi culturelle et sociale inscrite dans une dynamique de réciprocité, que nous envisageons l’enjeu de la question introduite par le référendum. Cet enjeu nous paraît d’autant plus important, que nous sommes particulièrement sensibles à ce que l’ensemble des enfants, futurs citoyens de ce pays, indépendamment de la trajectoire, nationalité et références culturelles de leurs parents, ne soient renvoyés à leur altérité mais puissent s’identifier et s’inscrire librement et égalitairement dans notre société. Nous rappelons de ce point de vue l’importance que constituerait l’élargissement du principe du droit du sol.

Nous sommes aussi convaincus que le droit de vote accordé aux résidents de nationalité étrangère, en élargissant l’espace public, impulsant ainsi une nouvelle dynamique au niveau du débat démocratique, aurait les mêmes effets bénéfiques que l’extension progressive du droit de vote au xixe siècle puis l’introduction du suffrage universel en 1919.

Le Clae :

  • se positionne pour le droit de vote des résidents de nationalité étrangère, car il permettrait de renforcer la légitimité du système représentatif, d’assurer une meilleure représentation de l’ensemble de la population, de réaffirmer à la fois de manière réelle et symbolique le principe d’égalité qui fait qu’une société puisse se penser et envisager le futur tout en donnant une nouvelle dynamique au débat démocratique ;
  • ne souhaite pas que la question du droit de vote des résidents de nationalité étrangère vienne cristalliser l’ensemble des appréhensions et adhère ainsi aux conditions de résidence et de vote liées à l’élargissement de la citoyenneté tels que proposées qui semblent équilibrées et respecter les sensibilités de chacun. La question posée prévoit effectivement deux clauses importantes, l’une concernant le temps passé au pays pour garantir un minimum de connaissance des enjeux de la politique luxembourgeoise, l’autre pour s’assurer que ceux qui auraient des nouveaux droits (ipso facto des devoirs) se sont par le passé inscrits dans une démarche de participation politique ;
  • souhaite que cet enjeu lié à la participation politique n’occulte pas les questions liées à l’égalité dans la société ; nous continuerons en tant que plateforme d’associations issues de l’immigration à militer et à nous engager pour que toutes les questions liées à l’accueil et aux inégalités socio-économiques puissent trouver un écho et une réponse au sein de la société civile et du monde politique ;
  • fera connaître sa position à l’ensemble des acteurs politiques et de la société civile ainsi qu’au grand public. Il restera ouvert à tout débat public dans lequel il serait invité à donner son point de vue et encourage les médias à s’emparer de la question ;
  • invite l’ensemble des structures politiques luxembourgeoises à se mobiliser et à informer l’ensemble de la population sur leur position respective ;
  • considère que tout changement constitutionnel est important pour l’histoire d’un pays et espère que l’ensemble des réflexions et échanges contradictoires nécessaires à cette refonte de la constitution feront davantage l’objet d’un vaste débat public.

Adoptée en Assemblée Générale extraordinaire,

le 27 janvier 2015