Lettre ouverte, suite à l’article paru dans RTL 5mn, à partir d’un post FaceBook de l’Asbl Benu Village (https://www.facebook.com/benuvillageesch/) le 7/03/2019 – https://5minutes.rtl.lu/actu/luxembourg/a/1315722.html

Nous sommes nombreux, de plusieurs générations, à nous être engagé pour le droit et la reconnaissance des cultures des personnes et des familles venues en migration au Luxembourg. Quelle déception et quelle violence de voir un article sur notre Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté réduit à deux ou trois photos de poubelles. Cette démarche est à l’initiative d’un post sur FaceBook de Georges Kieffer de l’Asbl Benu village. Ce Monsieur est passé nous voir pendant notre festival et nous l’avons invité à une rencontre après la manifestation. Des échanges d’emails ont eu lieu et la possibilité d’un rendez-vous avait été avancé car le temps manquait pour débattre ce dimanche-là du recyclage et de l’usage du plastique dans notre festival. Pas le temps d’expliquer que nous avions déjà introduit les verres recyclables depuis deux ans. Qu’une commune du sud a eu la gentillesse de nous prêter un Spullweenchen car nous n’avons pas les moyens de faire une location. Que nous discutons du recyclage depuis des années avec les grandes cuisines du Festival. Que depuis plus de 10 ans, nous avons demandé à la Ville de Luxembourg de nous installer à l’extérieur de nombreuses bennes pour différencier les résidus. Que plusieurs personnes fouillent les poubelles pour récupérer les bouteilles en verres à chaque édition. Que nous demandons depuis des années à chaque association participante de faire un minimum de tri. Que nous avons sollicité sans succès plusieurs acteurs du recyclage pour nous aider dans cette tâche. Que cette question nous l’avons déjà posée dans l’équipe et que ce n’est pas facile de se battre sur tous les terrains. L’écologie devrait rassembler dans une même démarche les questions sociales, culturelles, interculturelles, environnementales. Mais il ne s’agit pas d’écologie ici.

Tout le monde aura compris que cette personne, souhaite d’abord faire sa publicité sur notre dos. Comme c’est facile. S’il avait un peu de courage, il aurait été photographier les poubelles de grandes fêtes nationales, de certains ministères, ou celles de la rue où il réside… Cette pratique de la dénonciation sans chercher à comprendre, sans dialogue, rappelle de mauvaises heures. Cette philosophie du donneur de leçon empêche toute construction commune, partagée. Cette écologie est inhumaine, perverse, elle effraye. Elle réduit les relations à l’autre, les difficultés sociales, culturelles, sociétales, au recyclage et au plastique dans un déni de dialogue et du construire, dans une culpabilité réductrice : on ne peut pas faire village, ville, monde, en stigmatisant un festival de la migration, de la citoyenneté et en mettant au cœur de la pensée écologique les déchets au détriment des humains et de leur histoire. Sinon, nous nous serions réunis pour penser ensemble des solutions, avant toute forme de procès. Sinon, il se serait inquiété de la fragilité de notre festival, colosse aux pieds d’argile, que nous devons tous les ans renégocier, financer, subsidier, réaliser, partager, échafauder, construire, monter, démonter, animer pour qu’il prenne son envol. Sinon c’est de l’écolo-buzz repris pour faire son buzz. Bonjour tristesse de la pensée-communication contemporaine.

« Impossible de nous joindre » dit l’article à la date de la publication. Nous étions dans l’impossibilité de répondre car nous n’étions pas au chaud dans un bureau mais encore sur place au Kirchberg, les mains dans les poubelles, le cambouis, à tout ranger et débarrasser. Avec un petit effort, je pense pourtant qu’il était possible de nous trouver.

Nous prenons maintenant le temps de répondre à ceux qui n’imagine sans doute pas l’acharnement, la persévérance, les difficultés pour mettre notre manifestation en mouvement depuis des décennies et essayer de convaincre de l’importance des cultures dans notre pays. En quelques lignes, notre festival de la citoyenneté devient un « festival de déchets » et nous nous demandons alors, dans ce glissement sémantique du titre de l’article qui sont les déchets ou alors quel est ce festival de l’immigration qui salit le pays ?

« … gardez-moi de mes amis, quand à mes ennemis, je m’en charge » disait le philosophe…

CLAE