Organisé périodiquement afin de formuler aux autorités un catalogue de propositions et de revendications en matière de migrations, d’asile et de citoyenneté, le Congrès des associations issues et héritières de l’immigration, organisé les 7 et 8 décembre à Luxembourg, est un temps fort de la vie politique du CLAE. Plus de 70 structures se sont annoncées, ainsi que nombre de représentants des autorités.

Afin de préparer au mieux les discussions des commissions de travail qui se réuniront lors du Congrès, trois documents ont été élaboré en amont, sur les thèmes de l’accueil citoyen, de l’immigration et de l’inscription citoyenne, ainsi que sur la culture, enjeu de la reconnaissance de l’immigration et de l’autre au Luxembourg. Le résultat des différentes commissions servira de base réflexive au travail du CLAE pour les années à venir. Nous présentons brièvement dans cet article ces documents, qui sont consultables sur notre site.

L’accueil citoyen

En tant que plateforme d’associations issues et héritières de l’immigration, le CLAE a depuis de nombreuses années accompagné la question de l’accueil des personnes venues en migration. À contrecourant des conceptions pouvant les réduire à leur rôle et place d’étrangers, il a toujours souhaité cultiver une conception de la citoyenneté qui permette à chacun, quelle que soit son origine sociale ou culturelle, de manière individuelle et collective, de négocier et construire son avenir dans une société en mouvement.

Les propositions formulées dans le premier document du congrès se réfèrent à notre manière de penser l’altérité et d’accueillir l’étranger, au rôle de l’Etat et de la société civile, et aux différentes sphères d’actions : les droits fondamentaux et la lutte contre les discriminations, le droit à la dignité, le droit de vivre en famille, la scolarisation, l’accès à la formation, au travail, au logement, à la santé, mais aussi le droit de vieillir dignement et la lutte contre la pauvreté.

Nous insistons sur l’importance de ne pas naturaliser et essentialiser les cultures. Notre société doit refuser toute idéologisation identitaire permettant de réduire l’autre à une altérité insurmontable et tenter de sortir de toute forme d’assignation sociale qui enferme régulièrement les personnes et familles dans des trajectoires restreintes. Nous revendiquons aussi que les politiques menées en faveur de l’accueil puissent bénéficier à l’ensemble des personnes venues en migration. Nous demandons également à ce que l’Etat mette fin à toute procédure qui pourrait porter atteinte à l’intégrité physique, psychique ou morale de la personne humaine dans le cadre des politiques d’asile et que chaque personne vivant dans le pays puisse se voir reconnaitre un statut juridique donnant accès aux droits fondamentaux et donc de mettre fin à l’immigration irrégulière. Nous recommandons de reconnaitre le droit au regroupement familial comme un droit inaliénable, et de penser l’école et l’éducation des enfants comme le creuset de la société de demain. Nous proposons d’introduire une couverture sociale universelle qui permettrait à toute personne d’accéder aux soins de santé et demandons un engagement plus fort de l’État et des communes pour construire davantage de logements à caractère social et à prix abordable.

Immigration et inscription citoyenne

L’intégration européenne a eu pour corollaire d’accentuer la dichotomie entre les citoyens de l’Union et les citoyens du reste du monde. De plus grandes libertés pour les uns – celles de circuler, de s’établir, de travailler dans n’importe quel pays membre – ont entrainé de plus grandes restrictions pour les autres. Le CLAE milite depuis toujours pour des politiques d’immigration et d’asile plus ouvertes et solidaires. Nous revendiquons notamment, au niveau européen, la ratification et l’application de l’ensemble des conventions internationales concernant les migrants et les réfugiés dans le respect des pactes mondiaux signés à Marrakech en décembre 2018. Pour le Luxembourg, nous demandons entre autres de mettre fin aux inégalités de traitement entre les travailleurs hautement qualifiés et les autres catégories de travailleurs telles qu’elles ont été définies dans la loi sur l’immigration. Outre les politiques migratoires, la participation citoyenne est au cœur de ce document, qui prend notamment position sur le projet de nouvelle constitution et propose d’en modifier l’article 3, qui affirme la souveraineté de la Nation par un concept juridique permettant d’inclure l’ensemble des personnes participant au devenir commun de la société luxembourgeoise. Nous nous prononçons également sur une nouvelle définition de la citoyenneté, qui doit dépasser le cadre de la nationalité.

Nous revendiquons ainsi la création d’un Ministère de la Citoyenneté, qui pourrait croiser les domaines de l’immigration, des droits de l’homme, de l’environnement, de la culture,… ainsi qu’une meilleure reconnaissance du rôle des associations, qui permettent aux personnes, notamment venues en migration de sortir des lieux obscurs (foyers, chantier, équipe de nettoyage, etc.) où elles sont souvent assignées pour négocier et prendre place dans l’espace public. Tout un volet de ce document formule ensuite des propositions sur la participation des citoyens de nationalité étrangère aux différentes élections, sur l’accès à la fonction publique, à la nationalité, et ouvre des perspectives sur la loi de 2008 concernant l’accueil et l’intégration.

La culture : un enjeu de la reconnaissance de l’immigration et de l’autre au Luxembourg

Nous pouvons considérer qu’aujourd’hui les questions culturelles sont devenues aussi déterminantes que les questions sociales pour spécifier la dignité humaine. Ce siècle devrait permettre d’instaurer un contrat culturel et citoyen, qui sans effacer le contrat social, y ajouterait les questions culturelles. Ce contrat, social, culturel et citoyen, déterminerait le fondement de toute société et dans la suite de cette tradition philosophique rousseauiste, le fondement de toute communauté politique. Le CLAE est ainsi prêt à contribuer à la rédaction d’un contrat culturel et citoyen qui garantirait le respect des droits culturels de chaque citoyen et la reconnaissance culturelle des immigrations au Luxembourg. Nous revendiquons notamment, dans le document du congrès consacré à la culture, que chaque personne et association issue de l’immigration puisse vivre et exprimer librement sa culture dans le respect du cadre législatif du pays d’accueil et que l’engagement associatif en faveur de la promotion culturelle et citoyenne soit considéré comme une volonté légitime de représenter sa culture, de participer à la vie culturelle de la société d’accueil et de contribuer à enrichir son patrimoine matériel et immatériel.

Nous proposons de réfléchir au concept d’identité, souvent réducteur mais qui selon nous est constituée de multiples références, et d’accorder un espace à la mémoire migratoire dans le patrimoine national. Nous demandons également une meilleure reconnaissance des expressions culturelles populaires, qui restent fort présentes dans les immigrations.

Enfin, nous y faisons part de nos propositions concernant l’apprentissage de la langue luxembourgeoise, suggérons de créer un Fonds de soutien des initiatives culturelles et attirons l’attention, dans un monde de plus en plus connecté, sur les dangers de fractures numériques, sources de nouvelles inégalités.