Avis du CLAE sur le projet de loi sur le vivre ensemble interculturel

En œuvrant en faveur de l’inscription citoyenne des personnes venues en migration depuis de nombreuses années, le CLAE souhaite prendre position sur le projet de loi relative au vivre-ensemble interculturel tel qu’il a été déposé en date du 20 février 2023.

Nous sommes heureux que le projet de loi sur le vivre-ensemble interculturel abandonne le concept d’intégration des étrangers dans la société luxembourgeoise et considère chaque personne comme un citoyen à part entière dans une société en mouvement. Le projet de loi prend le contrepied des peurs et replis identitaires entrainant des politiques de plus en plus restrictives en Europe et partout dans le monde. Nous ne pouvons être que satisfaits d’une telle ouverture, de cette vision de la société que le CLAE aura également défendu pendant de nombreuses années et qui fait écho au concept de citoyenneté de résidence, au Vivre, travailler et décider ensemble porté par le mouvement associatif depuis ces débuts.

Au-delà de ce changement de paradigme, nous regrettons que le projet de loi ne permette pas de relever l’ensemble des défis posés par l’inscription citoyenne des personnes venues en migration, mais se contente des mêmes instruments qui ont montré toutes leurs limites par le passé : le contrat d’accueil et d’intégration, le pacte communal d’intégration, les commissions consultatives d’intégration. L’information, des cours de langue, l’intégration au niveau local ne suffisent pas à développer une vraie politique d’accueil dans un pays qui reste marqué par de nombreuses inégalités socio-culturelles. Il aurait été ainsi souhaitable que le projet aille au-delà de la lutte contre les discriminations, marque la volonté de s’attaquer aux difficultés vécues par les personnes ; que le Luxembourg se dote enfin de moyens pour impulser une vraie politique d’accueil qui touche à l’égalité des droits et l’égalité d’accès dans l’ensemble des domaines qui permettent aux personnes venues en migration de prendre place dans la société luxembourgeoise : scolarisation, marché du travail, formation, logement, santé, etc.

Nous regrettons finalement que le projet de loi sur le vivre ensemble interculturel décline la participation citoyenne en l’inscrivant dans une vision restreinte. Les commissions communales du vivre-ensemble interculturel ne peuvent être le seul chemin de l’engagement citoyen. Il aurait été souhaitable que le projet dépasse une vision purement institutionnelle de la participation, reconnaisse, encourage et implique l’ensemble de la société civile et plus particulièrement les associations issues et héritières de l’immigration qui à travers leurs activités d’accueil, de valorisation d’expressions culturelles plurielles, de développement de lien avec la société d’accueil et d’origine permettent de créer les conditions d’un devenir citoyen. Il est ainsi fort ironique, voire cynique, que les acteurs de l’immigration qui ont joué un rôle essentiel dans l’histoire de l’émancipation citoyenne soient écartés du champ institutionnel au moment où s’impose le concept de participation citoyenne qu’ils ont été les seuls à porter contre vents et marées pendant de longues année.